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La Sécurité Sociale : Trésor National et Utopie Réalisée
 
La sécurité sociale est décrite comme notre trésor national et une utopie réalisée

C'est une "espèce de folie" de concevoir que les gens, lorsqu'ils sont malades, vont chez le médecin, sont remboursés et continuent à être payés

 
Ce "miracle" de la sécurité sociale est né dans un pays en ruine
 
Le Contexte de la Libération (1944)
Le Général de Gaulle, dans ses mémoires, décrit l'état du pays à la Libération:
Les destructions couvrent tout le sol
 
Il manque des logements pour 6 millions de Français
 
Infrastructures dévastées : gares écroulées, voies coupées, ponts sautés, canaux obstrués, ports bouleversés
 
Agriculture : 1 million d'hectares sont hors d'état de produire (retournés par les explosions, truffés de mines, creusés de retranchements)
 
Pénuries généralisées : manque d'outils, d'engrais, de plans, de bonnes semences
 
Le cheptel est réduit de moitié
 
Les finances sont écrasées par une dette publique colossale
 
Les budgets sont condamnés pour longtemps à supporter les dépenses énormes de la reconstruction
 
C'est au milieu de cette dévastation que naît la Sécurité Sociale
 
Comment est Née la Sécurité Sociale ?
Le plan est porté par Ambroise Croizat, ministre communiste des travailleurs à la Libération

Le succès a été possible parce que le concept était déjà ancré dans la société française – c'était un "déjà là"

 
Les fondations préexistantes:
Des caisses de solidarité dans les usines.
Des mutuelles.
Des fédérations de travailleurs.
Avant la guerre de 1939-1945, ce système existait "en bas" pour environ un tiers des salariés
 Croizat et le Conseil national de la Résistance (CNR) ont proposé ce vaste plan pour l'étendre à toute la population
 
La méthode : un plan venant d'en bas:
 
Le plan ne tombait pas d'en haut, mais s'appuyait sur les gens

Croizat a sollicité les syndicalistes:

Ils devaient aller chercher les feuilles d'arrêt maladie
 
Ils devaient construire pierre à pierre les préfabriqués et les petites baraques qui servaient de Caisses Primaires d'Assurance Maladie (CPAM), car tout cela n'existait pas
 
En parallèle, ces militants (communistes, socialistes, cégétistes) utilisaient la menace de la grève générale pour prévenir la bourgeoisie et les gens de droite de s'opposer au plan de sécurité sociale
 
La Réalisation vue par De Gaulle
Le Général de Gaulle relate l'évènement avec une forme d'humour dans ses mémoires:
 
Il dit avec fierté que les ordonnances et les lois promulguées sous sa responsabilité, en l'espace d'une année, ont apporté des changements d'une portée immense à la structure de l'économie française et à la condition des travailleurs
 
Ces transformations étendues ont été réalisées sans secousse
 
Les privilégiés ont accueilli la mesure "avec mélancolie"
 
Toutefois, mesurant la force du courant, ils s'y résignent aussitôt et d'autant plus volontiers qu'ils redoutaient le pire, qui était la socialisation de tous les moyens de production et l'installation du socialisme dans le pays
 
C'est ainsi que naît la Sécurité Sociale, ce miracle, cette utopie réalisée dans un pays en ruine
 
L'Héritage Attaqué : Le Paradoxe Contemporain
Le paradoxe est que cet héritage est attaqué aujourd'hui dans un pays prospère où les milliards sont accumulés dans les grandes sociétés
 
Le Démantèlement du Programme du CNR
L'attaque est rendue possible par l'éloignement du souvenir de l'occupation et de la collaboration de la grande bourgeoisie et des patrons avec l'armée nazie, permettant la remise en cause de l'héritage de la Résistance
 
Denis Kessler, l'intellectuel et numéro 2 du MEDEF, a clairement énoncé la stratégie il y a une dizaine d'années:
 
« La liste des réformes c'est simple prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952 sans exception. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. »
 
Ce démantèlement se fait par étapes, mû par l'intérêt des forces de l'argent
.
L'Appétit des Assureurs
Ce sont les assureurs qui sont à l'avant-garde pour attaquer la Sécurité Sociale

. L'enjeu est colossal : la Sécurité Sociale représente aujourd'hui un pactole de 200 milliards d'euros de dépenses de santé dans notre pays

 
L'objectif est que ces 200 milliards d'euros, au lieu d'aller à une gestion publique, aillent à une gestion privée, mise en bourse, avec des dividendes versés à des financiers
 
Claude Bébéar, ancien patron d'AXA, a énoncé cette vision en disant:
 
« Il peut y avoir une sécurité sociale publique et à côté des sécurités sociales privées. »
 
C'est ce qui a été mis en place dans les années 80 et 90 avec:
Les complémentaires
 
L'ouverture de la sécurité sociale des déremboursements
 
L'ouverture d'un marché au privé
 
Efficacité du Public vs. Coût du Privé
Il est à noter que les frais de gestion sont nettement différents:
 
Frais de gestion de la Sécurité Sociale (publique) : aux alentours de 3 ou 4 %
 
Frais de gestion des assurances privées : entre 16 et 20 %
 
Le public est donc efficace, tandis que le privé est coûteux
 
Les Réformes et la Stratégie du Grignotage
Pour mener cette bataille, Claude Bébéar a mis en place l'Institut Montaigne, un think tank qui diffuse des idées

Cet institut compte parmi ses membres des acteurs financiers majeurs (Ariva, AXA, Alliance, BNP Pariba, Boloré, Buig, Dasso, Pfizer). Leur but énoncé est de "réinventer l'assurance maladie"

 
Des réformes se succèdent:
 
Le Plan Juppé
 
La réforme Doustie
 
Le Plan Bérou
 
Le Plan Bérou, par exemple, a programmé de nouveaux déremboursements, a doublé la franchise médicale et a allongé les délais de carence pour l'assurance maladie
 
La tactique utilisée est celle du grignotage réforme après réforme

Ils ont compris qu'affronter la Sécurité Sociale de face n'est pas populaire, car les gens savent intuitivement que pouvoir se soigner et être remboursé sans mettre ses finances en péril est un trésor qu'ils cherchent à préserver

 
Henri de Castries, successeur de Claude Bébéar à la tête d'AXA, a résumé cette philosophie:
 
« Il faut une génération pour changer un système de santé. »
 
Le Symbole de la Sécurité Sociale
La Sécurité Sociale est notre fleuron, notre joyau, notre trésor
 
Il ne faut pas la voir comme une "vieille dame de 80 ans" qui s'appuierait sur sa canne, mais comme celle qui nous donne la santé

Elle est plutôt la Marianne, la Marianne de la Croix qui tient le drapeau tricolore dans une main et dont le sein nourricier déborde dans l'autre.

Bon anniversaire la Sécu !