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vous trouverez ci-dessous l'article de Pontivy Journal du xxx:https://actu.fr/bretagne/pontivy_56178/pontivy-pourquoi-ces-departs-de-medecins-en-cascade-au-centre-hospitalier-du-centre-bretagne_60233211.html?fbclid=IwAR3Pobr4zshoj98m1xIhW05bzL6bplRllOsYDj4rJPaZVycTX6McYLlPbcY

Pontivy : pourquoi ces départs de médecins en cascade au Centre hospitalier du Centre-Bretagne ?

Ils n'ont pas encore 40 ans, mais sont usés. Deux chefs de services "pivots" du Centre hospitalier du Centre-Bretagne, à Noyal-Pontivy (Morbihan), ont annoncé leur départ.

Trop de pression. Trop d’administratif. Une pénurie de personnel médical. Des moyens insuffisants. Des journées à rallonge… L’usure. Le ras-le-bol. Le docteur Louis-Marie Jouanno quittera le Centre hospitalier du Centre-Bretagne, à Noyal-Pontivy (Morbihan), le 3 décembre prochain. Chef du service des urgences et du Smur (Structure mobile d’urgence et de réanimation) depuis fin 2019, il a posé sa démission le jour de ses 34 ans. « J’ai tenu jusqu’à mes 34 ans », souffle-t-il.



    La direction comprend mon épuisement. Mais je pars avant de dépasser mes limites. Je m’en vais par dépit. Je suis frustré aussi car je n’ai pas eu l’occasion de mener à bout mon projet de chef de service. C’est à cause de l’usure que je suis obligé d’arrêter.
    Louis-Marie Jouanno

Un vivier de 60 médecins intérimaires

Comment en est-on arrivé là ? Premier facteur : la pénurie de médecins.

« Quand je suis arrivé, il y avait six à huit Equivalent temps plein (ETP). Alors qu’il aurait fallu 15,8 ETP. Comme ce n’était pas suffisant, on fonctionnait avec des médecins intérimaires. » Le chef du service des urgences pouvait alors compter sur un vivier de 60 médecins.

En juillet 2022, Louis-Marie Jouanno ouvre une seconde ligne dans son service pour fluidifier l’accès aux soins et pour diminuer le temps de passage. Du coup, le besoin en médecin est monté à 20 ETP.

Patatras, il y a eu la loi Rist, entrée en application le 1er avril dernier. Depuis, la rémunération des médecins intérimaires dans le public est plafonnée. Les intérimaires sont donc partis dans le privé. « On a dû remodeler une nouvelle équipe, mais qu’avec des temps partiels. Mis bout à bout, on doit être 10 ou 12 ETP, au lieu de 20 ».
Amplitude horaire surhumaine

En juin dernier le Dr Jouanno a tiré la sonnette d’alarme. Depuis, faute de médecins, les urgences sont régulées la nuit. Pour ceux qui sont de service, l’amplitude horaire est surhumaine. « Dans une entreprise classique, c’est de 3 à 4 000 heures de travail par an. Ici, c’est 8 000 heures par an. »

En 2010, environ 70 personnes se présentaient chaque jour aux urgences. Aujourd’hui, c’est une centaine, avec des pics à 130…

 « Ça fait quatre ans que l’ARS est sur mon dos »

Autres éléments qui ont pesé : la lourdeur administrative (40 % du temps) et le poids des responsabilités.

« Ça fait quatre ans que l’ARS est sur mon dos. Elle intervient de façon autoritaire sur la façon dont on doit gérer les urgences. C’est elle aussi qui m’a sucré quatre médecins militaires que j’avais recrutés… »

Le Dr Jouanno va prendre la suite du Dr Paistel, médecin généraliste de Noyal-Pontivy, qui prend sa retraite à la fin de l’année. Louis-Marie Jouanno a maintenant un mois et demi pour préparer les plannings des urgences jusqu’au début de l’année 2024, en attendant le recrutement d’un nouveau chef de service. La tâche s’annonce difficile.

    Plus personne ne veut travailler 70 heures par semaine. Le mode de fonctionnement dégradé d’il y a dix ans est devenu le mode de fonctionnement normal aujourd’hui.

Sous-effectif chronique

Autre service, autre départ. Celui de Chloé Latour, cheffe du service de médecine polyvalente. Ce médecin âgé de 37 ans a décidé de se mettre en disponibilité pour une année. Elle quittera son service le 27 octobre. « Après ? Je vais voir… »

En octobre 2021, Chloé Latour avait pris la chefferie du service de médecine polyvalente, où elle travaillait depuis janvier 2020, suite à la démission de son chef « face à la lourdeur de la tâche. »

Comme son collègue des urgences, elle évoque un sous-effectif chronique dans un service « pivot » qui compte 30 lits d’hospitalisation pour des patients lourds (infectiologie, oncologie, hématologie), qui a « hébergé tous les patients Covid en travaillant 100 heures par semaine pendant près de deux ans », ainsi qu’un service qui intervient aussi en hôpital de jour (225 patients en ambulatoire)… Sans oublier les consultations. L’équipe, elle, est passée de 3,5 ETP à 3 ETP, puis à deux, alors qu’il en faudrait quatre.
« L’exercice de la chefferie est très difficile »

« Deux praticiens hospitaliers à temps partiel ont également démissionné en septembre. Avec le départ de ces médecins, ce sont des compétences qui s’en vont. La structure est lourde et quand un praticien manque, ça se ressent. Les équipes sont éprouvées. On a plus de travail, mais avec moins de personnel. Avec la chefferie, je fais le travail de deux médecins. Quand il y a un problème, c’est moi qui dois répondre. Et j’engage ma responsabilité », confie le Dr Chloé Latour.

Une responsabilité qui « l’empêche » d’ailleurs « de dormir ».

    L’exercice de la chefferie est très difficile. La chefferie sera vacante jusqu’à ce qu’un confrère accepte de reprendre la charge. Ce qui n’est pas gagné ! On a beaucoup de mal à recruter sur ces postes-là.
    Dr Chloé Latour

Avec le départ du Dr Latour, le service de médecine polyvalente va être transformé, début novembre, en Unité saisonnière de médecine, pendant trois ou quatre mois, le temps de recruter. En attendant, « on va se séparer de l’hôpital de jour et de la salle. Quand le service de médecine rouvrira, en 2024, il n’est pas certains qu’il retrouve ses 30 lits… »